e-commerce et TVA

Publié le 29/09/2021

La croissance exponentielle du commerce électronique transfrontières entre entreprises et consommateurs (ventes « B to C ») a rendu obsolète les règles applicables en matière de TVA. En effet, les dispositions jusqu’alors en vigueur en matière de TVA pour ce type de ventes avaient été instaurées pour régir le régime applicable aux ventes par correspondances à destination des particuliers qui étaient réalisées par quelques enseignes spécialisées qui adressaient à des particuliers leurs catalogues et recevaient en retour des bons de commandes par courrier.

Ce temps est révolu puisqu’il est désormais commun pour tout consommateur d’acheter en ligne l’article qu’il recherche à une entreprise étrangère située dans l’Union Européenne ou dans un pays tiers à cette dernière.

Cet essor du commerce en ligne s’est également avéré être un terreau fertile au développement de pratiques abusives dans certaines opérations ventes à distance de biens importés (i.e. provenant de pays tiers à l’UE) et à des disparités concurrentielles résultant de la divergence des taux de TVA applicables dans les différents Etats membres dans les ventes à distance intracommunautaire.

  • Concernant les ventes à distance de biens importés : la cible principale concerne les ventes dites ventes en « drop shipping » (en français « livraison directe ») dans le cadre desquelles le consommateur commande des marchandises sur le site internet du revendeur  qui transmet la commande au fournisseur. Très fréquemment dans ce type d’opération le fournisseur expédiait alors directement la marchandise depuis un pays tiers à l’U.E, désignait le client français en qualité d’importateur et indiquait sur le document douanier d’importation une valeur intrinsèque de la marchandise inférieure à 22€ qui était alors qualifié d’Envoi de Valeur Négligeable (VNE) et donc exonéré de TVA en France. Une autre pratique consistait à indiquer que la marchandise importée était un cadeau, la mention « gift » apparaissait alors sur le document d’importation afin que la marchandise importée ne soit pas soumise à la TVA.
  • Concernant les ventes à distance intracommunautaires : l’application des règles de territorialité en matière de TVA nécessitait de suivre l’évolution du chiffre d’affaires réalisée dans chaque Etat membre. En effet, sauf option pour soumettre la vente à la TVA du pays du client au 1er Euro, les ventes réalisées par une entreprise française à destination de clients non assujettis situés dans un autre Etat membre étaient soumises à la TVA française. Au-delà d’un certain seuil apprécié pays par pays, et spécifique à chacun d’entre eux (le seuil pouvant être compris entre 35 000€ et 100 000€), la vente devrait alors être soumise à la TVA du pays du client ce qui obligeait alors le fournisseur à s'identifier à la TVA dans ce même pays.

La réglementation communautaire a donc évolué sur ce point le 5 décembre 2017 (directive (UE) 2017/2455, Règlement 2017/2454, règlement exécution 2017/2459), le 21 novembre 2019 (Directive 2019/1995 et règlement exécution (UE) 2019/2026) et le 12 février 2020 (règlement exécution 2020/194).

Le droit fiscal français a transcrit dans l’ordre juridique interne ces directives communautaires (paquet e-TVA) dans la loi de finances pour 2020 (loi n° 2019-1479) et, en dernier lieu, dans la loi de finances pour 2021 (loi n° 2020-1721).

Ces nouvelles règles sont applicables aux ventes réalisées depuis le 1er juillet 2021.

L’administration fiscale a commenté l’application de ces dispositions dans son Bulletin Officiel des Finances Publiques du13 août 2021 (https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/13176-PGP.html/ACTU-2021-00207), ces commentaires faisant l’objet d’une consultation publique jusqu’au 13 octobre prochain. En outre, elle a dédié une page de son site impots.gouv.fr à l’utilisation du guichet unique.

Nous vous présentons ci-après un aperçu d’ensemble des différentes règles désormais en vigueur que nous approfondirons dans deux articles à paraître dans lesquels nous réaliserons un focus dédié respectivement aux ventes à distances intracommunautaires visées à l’article 256, II bis-1° du CGI et aux ventes à distances de biens importés visées à l’article 256, II bis-2° du CGI.

  • Concernant les ventes à distance intracommunautaires de biens :

Les dispositions du paquet e-commerce ont pour conséquence d’aboutir plus fréquemment à soumettre la vente à la TVA du pays du consommateur qu’à celledu pays du vendeur. En effet, le seuil de chiffre d’affaires en deçà duquel la vente est désormais soumise, sauf option contraire du vendeur, à la TVA du pays de ce dernier n'est plus apprécié pays par pays, et en tenant compte du seuil spécifique applicable à chacun des pays dans lequel des ventes ont été réalisées, mais en tenant compte d’un seuil communautaire global de 10 000 € tous Etats membres confondus.

L’imposition des ventes à la TVA dans le pays du vendeur est donc désormais réservée aux (très) petits opérateurs.  

Au-delà de ce seuil, les ventes sont donc soumises de plein droit à la TVA du pays du client ce qui induit, en principe, l’obligation corrélative pour l’entreprise de s’identifier à la TVA dans le pays du (ou des) client(s) et d’en supporter tous les coûts et les obligations qui en découlent.

Dans une telle situation, l’entreprise peut toutefois s’inscrire en ligne, dans des délais strictement encadrés, auprès d’un guichet unique, en l’occurrence le guichet « One-Stop-Shop UE » sur lequel elle pourra déclarer ses ventes imposables dans d’autres Etat membre et payer la TVA y afférente à l’administration fiscale française qui se chargera de reverser la TVA ainsi collectée à chacun des pays membres où se trouvent les clients de l’entreprise (les autres Etats membres faisant de même s’agissant de ventes à distance soumises à TVA française réalisées par des entreprises établies sur leur territoire).

Cette adhésion dispense notamment l’entreprise de s’identifier à la TVA dans chacun des pays où elles réalisent des ventes et présente également des avantages au regard des obligations induites en matière de facturation et de déclaration d’échanges de biens que nous présenterons plus amplement dans un prochain article.

L’opérateur doit par ailleurs consigner toutes les opérations de cette nature (vente à distance intracommunautaires) dans un registre dédié qu’il doit tenir à la disposition de l’administration fiscale.

  • Concernant les ventes à distance de biens importés :

Sont également concernées par ces nouvelles règles les ventes de biens à des non assujettis (ventes B to C) dans le cadre desquelles, à la différence des ventes à distance intracommunautaires, les marchandises sont expédiées ou transportées depuis un pays tiers à l’UE (par exemple la Chine).

Ainsi, ce type d’opération est composée de deux opérations successives à savoir :

  • l’importation des biens dans un état membre de l’UE ;
  • suivie de la vente desdits biens à un consommateur situé, ou non, dans l’Etat membre de l’UE d’importation des biens. 

Les nouvelles dispositions du paquet TVA instaurent de nouvelles règles applicables :

  • En matière d’importation : l’exonération de TVA des importations de biens dont la valeur n’excède pas 22 € est supprimée. Les biens importés sont donc désormais taxables au 1er euro sauf si le vendeur adhère à un guichet unique spécifique (l’Import One-Stop-Shop). Dans cette hypothèse les importations de biens dont la valeur intrinsèque n’excède pas 150 € sont exonérés de TVA. Une nouvelle déclaration douanière (H7) est parallèlement instaurée.
  • Et pour déterminer les règles de territorialité applicables à la vente au client : les nouvelles dispositions instaurent donc de nouvelles règles de territorialité qui diffèrent selon que l’importation soit, ou non, réalisée dans le pays du client mais qui, hormis quelques exceptions, tendent à taxer la livraison dans le pays du client.

Ces nouvelles dispositions ont essentiellement pour objectif de mettre un terme aux pratiques frauduleuses constatées dans les ventes en « drop shipping » en clarifiant les règles de taxation applicables et en proposant aux opérateurs étrangers situés hors UE d’acquitter la TVA due dans l’Etat membre de consommation en adhérant à un guichet unique dédié : l’Import One Stop Shop (IOSS). L’adhésion à ce guichet permet à l’opérateur étranger d’être exonéré au titre de ses importations dont la valeur intrinsèque n’excède pas 150€ … mais nécessite dans certains cas que ce dernier fasse appel aux services d’un représentant fiscal et s’astreigne à consigner toutes ses opérations sur un registre spécifique dont l’administration fiscale pourra demander la communication.

Ce dispositif concerne donc sans ambiguïté les entreprises situées hors UE qui vendent des biens à des particuliers situés dans l’UE.

Mais ce dispositif est également susceptible de s’appliquer à des entreprises situées dans l’UE, et donc notamment à des entreprises françaises,  qui, au sens des dispositions de l’article 256, V, 2° du Code général des impôts, facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € ou  la livraison d'un bien dans l'UE par un assujetti non établi sur le territoire de l'UE à une personne non assujettie, ces entreprises étant alors dénommées « plates-formes facilitatrices ».

Ainsi, en application des dispositions de l'article précité, une entreprise française sera, par exemple, redevable de la TVA grevant les ventes réalisées en France par un vendeur situé hors UE par l’entremise du site internet de l'entreprise française. 

En d’autres termes, ce texte désigne la société française propriétaire de l’interface numérique comme redevable de la TVA due au titre des opérations réalisées par la société étrangère par l’intermédiaire de son site internet.

L’application de ces dispositions nécessite toutefois de démontrer que le site internet remplit l’une des conditions requises pour pouvoir être qualifié de « facilitateur » et que  la vente concernée est au nombre de celles visées par le texte légal qui ne vise que deux catégories d’opérations.

Les entreprises françaises permettant à des entreprises situées hors UE de réaliser des ventes par l’intermédiaire de leurs sites internet devront donc porter une attention particulière à ces dispositions sous peine de les apprendre à leurs dépens dans le cadre d’un contrôle fiscal.

Nous développerons ces dispositions dans de prochains articles. 

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