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Transformation en SAS puis cession d’actions : la Cour de cassation prend position sur la nature des droits d’enregistrement

Le 18 décembre 2024[1], la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’appel interjeté par la société CEGID suite à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon du 6 juillet 2023[2].

Les cessions de droits sociaux sont soumises à des droits d’enregistrement dont le taux diffère en fonction de leur nature juridique.

Ainsi, l’article 726, I. 1° du Code général des impôts (CGI), dans sa rédaction actuelle, soumet les cessions d’actions à des droits d’enregistrement dont le montant correspond à 0,1 % du prix de la cession.

L’article 726, I. 1° bis du même Code prévoit que les cessions de parts sociales sont soumises à des droits d’enregistrement calculés au taux de 3 % du prix de la cession avec application, sur la valeur de chaque part sociale, d’un abattement égal au rapport entre la somme de 23.000 € et le nombre total de parts sociales de la société dont les titres sont cédés.

Il est ainsi courant que, préalablement à une cession de contrôle, la société cible, alors société à responsabilité limitée (SARL), soit transformée en société par actions simplifiée (SAS), pour limiter le coût des droits d’enregistrement dus par l’acquéreur.

Dans un arrêt « RMC France[3] » du 10 décembre 1996, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé que la transformation d’une SARL en société anonyme, suivie de la cession de ses titres, ne pouvait être analysée comme un montage constitutif d’un abus de droit au sens de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales, dès lors que la société transformée ne retrouvait pas sa forme initiale après la cession de ses titres.

Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 6 juillet 2023, c’est sur le terrain de la non-opposabilité à l’administration fiscale de l’opération de transformation que celle-ci se justifiait d’avoir procédé au rappel, à l’encontre de la société CEGID, de droits d’enregistrement, outre les pénalités de retard, suite à un rachat d’actions.

Un bref rappel des faits : les associés d’une SARL (la société TDA International) décident en assemblée générale extraordinaire (AGE) sa transformation en SAS. Le lendemain, la société CEGID acquiert les titres, devenus des actions, de la société TDA International.

Dans la quinzaine de jours qui suit, la formalité de l’enregistrement de la cession des titres est présentée à l’administration fiscale avec un règlement des droits calculés sur la base d’un taux de 0,1 % du prix applicable aux cessions d’actions.

Le procès-verbal de l’AGE ayant décidé la transformation en SAS est également enregistré dans ce même délai.

Plusieurs mois s’écoulent, en revanche, avant que l’opération de transformation soit publiée dans un journal d’annonces légales puis déposée au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), bien que le Code de commerce[4] prévoit un délai d’un mois à compter de l’opération pour ce faire.

L’administration fiscale considérait, à ce titre, que la cession devait faire l’objet d’un enregistrement dans les conditions d’une mutation de parts sociales de SARL et non d’actions de SAS, du fait de l’absence de réalisation des formalités de publicité de la transformation au moment où l’enregistrement de la cession de titres lui était présenté.

La Cour d’appel de Lyon avait fait droit à cette argumentation en rappelant, qu’aux termes de l’article 123-9 alinéa 1er du Code de commerce, les actes sujets à mention au RCS ne peuvent être opposés à l’administration fiscale que s’ils ont été publiés.

Elle en avait conclu que « les droits d’enregistrement sur la cession des titres devant être liquidés selon leur nature juridique, il convient de rechercher si, à la date de la cession, la transformation de la société TDA qui a modifié la nature des titres était ou non opposable à l’administration des finances publiques. »

Statuant au visa de l’article 726, I. 1° du CGI, la Cour de cassation infirme l’arrêt du 6 juillet 2023 en indiquant que « les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, lequel correspond à la date du transfert de propriété, peu important qu’à la date de la soumission de l’acte de cession à la formalité de l’enregistrement, la transformation dont la société a fait l’objet antérieurement n’ait pas été publiée au registre du commerce et des sociétés ».

En pratique, on prendra soin de procéder immédiatement après la transformation à l’ouverture du registre des mouvements de titres de la société concernée (paraphe par le RCS inclus) et ce, afin d’y inscrire la cession des actions pour matérialiser le transfert de propriété avant de présenter l’enregistrement de la cession au taux de 0,1 %.

[1] Cass. com. 18/12/2024 n ° 23-21.435 F-B

[2] CA Lyon 6/07/2023 n° 20/05110

[3] Cass. com. 10/12/1996 no 94-20.070

[4] Article L. 123-66 du Code de commerce.