L’INCIDENCE DE L’EPIDEMIE DE COVID-19 SUR LES CONTRATS D’AFFAIRES

Publié le 5/05/2020

L’INCIDENCE DE L’EPIDEMIE DE COVID-19 SUR LES CONTRATS D’AFFAIRES :

LA FORCE MAJEURE

  • Qu’est-ce que la force majeure ?

En droit français, il y a force majeure « lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».

Ainsi, selon l’article 1218 du Code civil, afin d’être reconnu comme un cas de force majeure, l’évènement en question doit être, cumulativement :

  • Imprévisible, ce critère étant apprécié au moment de la conclusion du contrat ;
  • Irrésistible, c’est-à-dire totalement insurmontable ; il ne doit pas s’agir d’un simple empêchement ou d’une difficulté, même importante, à honorer un engagement ;
  • Extérieur, l’évènement devant être extérieur à la personne qui l’invoque au titre de la force majeure.

Un lien de causalité doit également être prouvé entre cet évènement et l’impossibilité de ne pas pouvoir exécuter son obligation.

Il convient de noter que cette définition peut être aménagée contractuellement, soit pour préciser les situations de force majeure reconnues contractuellement (ex : la grève) soit pour fixer les conditions dans lesquelles il est possible de faire jouer la force majeure (ex : délai de notification de l’évènement).

  • L’épidémie de Covid-19 constitue-t-elle un cas de force majeure ?

L’épidémie de Covid-19 n’a pas été reconnue officiellement comme constituant un cas de force majeure. En effet, l’existence d’une épidémie ne suffit pas à elle seule à constituer un cas de force majeure.

Par ailleurs, selon la doctrine majoritaire, cette épidémie ne saurait constituer un cas de force majeure car celle-ci ne serait ni imprévisible, ni irrésistible. Cette doctrine s’appuie notamment sur les différentes épidémies qui ont eu lieu (Ebola, Dengue, H1N1…) et pour lesquelles la jurisprudence n’a pas retenue la qualification de force majeure[1]

Cependant, certaines conséquences résultant de la survenance de l’épidémie de Covid-19 pourraient être qualifiées de cas de force majeure car imprévisibles (puisque exceptionnelles) et irrésistibles (puisque impératives). C’est notamment le cas des décisions administratives contraignantes comme les restrictions de circulation, l’interdiction des rassemblements ou la réquisition des masques de protection.

Il convient donc d’apprécier la situation au cas par cas, en fonction de la définition légale de la force majeure et des aménagements contractuels, afin de s’assurer que les critères sont bien réunis, étant précisé que la qualification de force majeure est toujours soumise à l’appréciation souveraine des juges.

  • Sur quel fondement juridique un contractant peut-il invoquer un cas de force majeure ?

Il est nécessaire de distinguer deux cas :

  • 1er cas : Le contrat ne contient pas de clause de force majeure.

Dans ce cas, seul le droit commun des contrats, c’est-à-dire l’article 1218 du Code civil (v. ci-dessus), aura vocation à s’appliquer.

  • 2ème cas : Le contrat contient une clause de force majeure.

Dans ce cas, la clause devra être appliquer. Trois situations peuvent alors se présenter :

  • La clause contractuelle exclut totalement la force majeure.
  • La clause contractuelle restreint la force majeure : en énumérant, par exemple, à titre exhaustif une liste d’évènements à considérer comme « cas de force majeure » ou en ajoutant des conditions supplémentaires aux critères légaux.
  • La clause contractuelle élargit la force majeure.

Par conséquent, si un contractant n’est pas en mesure d’exécuter ses obligations contractuelles en raison du Covid-19 ou des règles édictées par les pouvoirs publics, il lui est conseillé de :

  1. Vérifier l’existence d’une clause de force majeure dans son contrat ;
  2. S’assurer que les clauses contractuelles ne restreignent pas ou n’excluent pas la force majeure. Il convient de vérifier notamment si les « maladies », « épidémies », « crise sanitaire », « mesures gouvernementales d’exceptions » sont visées en tant qu’évènements de force majeure ;
  3. Identifier les conditions de mise en œuvre de la clause de force majeure (délai, modalités, etc.).
  • Quel est l’intérêt pour un contractant d’invoquer la force majeure ?

Dans l’hypothèse où le cas de force majeure est reconnu, le contractant qui l’invoque pourra s’en prévaloir afin de justifier de l’inexécution de son obligation et dégager sa responsabilité. La force majeure peut ainsi faire obstacle à l’application de pénalités comme à la mise en œuvre de responsabilité en raison de retards ou d’inexécution.

  • Que se passe-t-il si l’impossibilité pour le contractant d’exécuter ses obligations contractuelles se prolonge ?

L’article 1218 du Code civil dispose que :

  • si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ;
  • si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.

Attention, si le Code civil ne prévoit pas de délai précis permettant de distinguer un empêchement temporaire d’un empêchement définitif, les clauses contractuelles prévoyant la force majeure stipulent très fréquemment un délai au-delà duquel chacune des parties pourra librement résilier le contrat. Là encore, il est donc important d’étudier le contrat.

 

Synthèse


[1] CA Besançon, 8 janvier 2014 - n°12/02291 ; CA Paris, 25 septembre 1998 ; CA Nancy, 22 novembre 2010 – n°09/00003 ; CA Basse-Terre,17 décembre 2018– n° 17/00739, Cour d’Appel Saint-Denis de la Réunion, 29 décembre 2009, n° 08/02114.

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