Distribution en dehors de l’assemblée générale ordinaire d’un dividende prélevé sur les réserves

Publié le 3/04/2023

Fondant sa décision sur la nécessité pour la société distributrice d’avoir « une capacité de distribution compatible avec le respect de sa solidité financière, dans un souci de protection des tiers », le Tribunal de commerce de PARIS a, par un jugement du 23 septembre 2022 (T. com. Paris, 16e ch., 23 sept.2022, n°J2021000542), condamné la pratique visant à procéder à des distributions exceptionnelles de réserves en dehors de l’assemblée générale ordinaire annuelle d’approbation des comptes.

Cette décision de première instance interpelle à plusieurs égards.

Les textes apportent peu de précision sur cette pratique largement répandue.

En effet, il résulte de l’article L 232-11 alinéa 2 que « l’assemblée générale peut décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la dispositionEn ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Toutefois, les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice. », et de l’article L 232-12 alinéa 1 du Code de commerce qu’« Après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables, l'assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes … ».

Dès lors, rien ne semble interdire de distribuer un dividende exceptionnel prélevé sur les réserves (report à nouveau ou prime d’émission) une fois que les comptes annuels ont été approuvés., D’ailleurs, la CNCC (Bull. CNCC n° 44, déc. 1981, p. 500) et l’ANSA (avis du comité juridique du 2 juillet 2003) se sont prononcées en faveur de cette pratique.

Si cette pratique devait être confirmée par une décision d’Appel ou par la Cour de cassation, il serait loisible d’en revenir :

  • Soit à une distribution de dividendes lors de l’assemblée générale d’approbation des comptes annuels ;
  • Soit à la distribution d’un acompte sur dividende décidée à la vue d’un arrêté comptable intermédiaire certifié par un commissaire aux comptes démontrant les capacités distributives de la société.

A noter que l’approbation des comptes intervenant, au plus tard dans les 6 mois de la date de clôture de l’exercice social, et l’arrêté comptable étant établi forcément avec un décalage de quelques mois, la préoccupation du Tribunal de commerce de PARIS reposant sur la nécessité de s’assurer d’ « une capacité de distribution compatible avec le respect de sa solidité financière, dans un souci de protection des tiers » ne nous parait  pas davantage pouvoir être garantie.

Compte tenu des lourdes sanctions qui pourraient être appliquées si la qualification de la distribution exceptionnelle prélevée sur les réserves en distribution d’un dividende fictif devait être confirmée par la Cour d’Appel, voire par la Cour de Cassation suite au jugement du Tribunal de commerce de PARIS, il conviendra néanmoins d’être prudent.

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