L’acompte du 15 janvier 2019 : un cadeau empoisonné ?

Published 01/13/2019

L’application du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019 a nécessité la mise en place de certaines mesures destinées à limiter, pour nombre de contribuables, son impact financier, dès lors que son taux ne tient pas compte des réductions et crédits d’impôt auxquels le contribuable peut prétendre.

En effet, la formule de calcul du taux de prélèvement conduit les contribuables bénéficiant de manière récurrente de crédits et de réductions d’impôt à supporter pendant 12 mois un taux de prélèvement à la source supérieur à leur taux moyen d’imposition : certes, une régularisation interviendra lors de la liquidation définitive de l’impôt sur les revenus 2019, mais seulement en septembre 2020, soit un décalage de trésorerie allant jusqu’à 21 mois au plus (prélèvement de janvier 2019).

Pour pallier cette difficulté, qui constitue l’un des handicaps majeurs du nouveau dispositif, la loi de finances pour 2017 avait prévu que les contribuables concernés recevraient, au plus tard le 1er mars, acompte égal à 30 % du montant des crédits d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile ou pour frais de garde des jeunes enfants dont, par hypothèse, ils auraient bénéficié l’année précédente.

Toutefois, en septembre dernier, l’exécutif avait annoncé l’élargissement du champ d’application de cet acompte, et l’avancement du calendrier de versement au 15 janvier 2019.

Ainsi, la loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation du taux de l’acompte, à 60 %, et l’extension de son assiette de calcul à l’ensemble des crédits ou réductions d’impôt accordés lors de la liquidation de l’impôt afférent aux revenus de l’avant dernière-année, au titre des dispositifs suivants :

  • Emploi d’un salarié à domicile ;
  • Frais de garde de jeunes enfants ;
  • Cotisations syndicales ;
  • Certains investissements immobiliers outre-mer (CGI, art. 199 undecies A, 2, b à e) ;
  • Dépenses liées à la dépendance ;
  • Investissements locatifs « Censi-Bouvard », « Scellier » et « Duflot-Pinel » ;
  • Dons effectués par les particuliers.

Le 15 janvier prochain, tous les contribuables ayant bénéficié de l’un ou l’autre de ces crédits ou réductions d’impôt au titre de l’imposition de leurs revenus 2017 verront par conséquent leur compte bancaire crédité d’une somme égale à 60 % de ces crédits ou réductions d’impôt, et ce sans avoir eu aucune démarche à accomplir. Ainsi, la lettre adressée par le Ministre de l’Action et des Comptes Publics la semaine dernière à tous les contribuables personnes physiques leur précisait que cette avance sera identifiable sur leur relevé bancaire sous le libellé  « CREDIMPOT ALASOURCE ».

Ce dispositif, qui permet aux contribuables concernés de percevoir dès le début de l’année 2019  plus de la moitié des avantages fiscaux dont ils ont bénéficié l’année précédente au titre des dépenses réalisées en 2017, ne peut qu’être salué.

Il convient toutefois d’attirer l’attention sur les points suivants.

L’article 1665 bis du CGI prévoit que cet acompte devra être régularisé lors de la liquidation de l’impôt sur le revenu dû sur la base des revenus déclarés au titre de l’année précédente, après imputation éventuelle des crédits ou réductions d’impôt auxquels les contribuables pourront prétendre.

La question de la restitution de tout ou partie de cette avance perçue en janvier 2019 va donc se poser dès la liquidation de l’impôt sur les revenus perçus au cours de l’année 2018, c’est-à-dire dès septembre 2019, dans 9 mois.

Cette régularisation pourra en effet conduire à plusieurs situations :

  • soit une restitution, totale ou partielle, de l’acompte perçu le 15 janvier, si le montant des crédits ou et/ou réductions d’impôt dont bénéficie le contribuable au titre de l’année 2018 est inférieur à la somme algébrique de l’impôt sur le revenu dû après application du CIMR et de l’acompte ;
  • soit une minoration du montant des crédits et réductions d’impôt non imputés par le contribuable au titre de l’impôt sur le revenu 2018 remboursé à ce dernier (à titre exceptionnel, en 2018, pour les réductions d’impôt).

Ces règles sont susceptibles de générer des difficultés de trésorerie pour certains contribuables en septembre prochain s’ils n’y prennent pas garde.

En effet, aucun impôt n’étant prélevé au titre des revenus 2018 (ni par acompte ni par retenue à la source), les contribuables ayant perçu en 2018 des revenus « exceptionnels », au sens du CIMR, et supportant en conséquence une imposition en septembre 2019, pourront être conduits à devoir restituer tout ou partie de l’avance perçue en janvier (et ce même si le montant des crédits et réductions d’impôt auxquels ils peuvent prétendre au titre de 2018 est identique à celui de l’année 2017) en sus du paiement, de septembre à octobre 2019, du prélèvement à la source dans les conditions désormais de droit commun (sans omettre, en octobre et novembre 2019, le paiement des impôts locaux) !

Ainsi par exemple, un contribuable fiscal ayant disposé en 2018 de revenus non-exceptionnels et de revenus exceptionnels, et ayant bénéficié en 2018 de 2.000 € de crédit d’impôt au titre de frais de garde d’enfants engagés en 2017, percevra un acompte égal à 60 % de ce montant, soit 1.200 € le 15 janvier 2019.

Le tableau synoptique ci-après montre que, dans la plupart des cas, ce contribuable devra restituer dès septembre 2019 tout ou partie de l’avance perçue, le montant de cette restitution dépendant du montant des crédits d’impôt auquel le contribuable pourra prétendre au titre de l’année 2018 (1.000, 2.000, 3.000 ou 6.000 € envisagés dans le tableau) :

 

Crédit d’impôt inférieur à N-2

Crédit d’impôt identique à N-2

Crédit d’impôt supérieur à N-2

Crédit d’impôt très supérieur à N-2

Impôt 2018 (après application du CIMR)

5.000 €

5.000 €

5.000 €

5.000 €

Crédits d’impôt applicables au titre de 2018

1.000 €

2.000 €

3.000 €

6.000 €

Impôt net dû par le foyer

4.000 €

3.000 €

2.000 €

- 1.000 €

Acompte perçu en janvier 2019 (60% de 2017)

+ 1.200 €

+ 1.200 €

+ 1.200 €

+ 1.200 €

Total à payer au Trésor en septembre 2019

5.200 €

4.200 €

3.200 €

200 €

 

Le contribuable devra verser 5.200 € en septembre 2019 (restitution de l’acompte et paiement de l’IR)

Le contribuable devra verser 4.200 € en septembre 2019 (restitution de l’acompte et paiement de l’IR)

Le contribuable devra verser 3.200 € en septembre 2019 (restitution de l’acompte et paiement de l’IR)

Le contribuable devra restituer 200 € en septembre 2019 (restitution partielle de l’acompte)

Total de la trésorerie nette effectivement perçue en 2019

0 €

0 €

0 €

1.000 €

Donc, ce n’est que dans le cas où le montant de la créance du contribuable sur le Trésor après imputation des crédits et réductions d’impôt dont il bénéficie au titre de 2018, sera égal ou supérieur au montant de l’acompte perçu le 15 janvier, que le contribuable pourra conserver, définitivement, cet acompte en septembre 2019.

Il convient cependant de souligner que lorsque l’application du CIMR conduira à un effacement total de l’impôt du fait de la perception exclusive de revenus non exceptionnels au titre de 2018 (ce qui devrait être le cas d’un certain nombre de contribuables), les réductions et crédits d’impôt constatés par le contribuable au titre de 2018 lui seront restitués en totalité. Le contribuable dans cette situation percevra donc en septembre 2019 un montant correspondant au montant des crédits et réductions d’impôt, diminué de l’avance perçue en janvier 2019.

Dans ce contexte, il est indispensable d’être attentif au fait que l’acompte versé le 15 janvier prochain n’est en pratique qu’une avance de trésorerie que les contribuables seront susceptibles de devoir rembourser dès septembre 2019, en sus de l’impôt éventuellement dû au titre des revenus 2018 (en cas de revenus exceptionnels (primes surérogatoires par exemple) ou d’autres revenus non couverts par le CIMR).

Ainsi, nombre de contribuables personnes physiques devront s’astreindre à une gestion de leur trésorerie différente de celle qu’ils pouvaient avoir jusqu’à présent en matière d’impôt sur le revenu. Il est par conséquent recommandé pour les contribuables concernés (38 millions de foyers fiscaux selon les chiffres du Ministère), dès lors que les éléments afférents à l’année 2018 sont maintenant connus, de procéder à des simulations, pour savoir s’ils devront, ou non, restituer en septembre prochain tout ou partie de l’avance reçu le 15 janvier prochain.

A défaut, le risque est important de s’apercevoir, un peu tard, que cette avance était en réalité un cadeau quelque peu empoisonné !

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